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À l’aube de 2007, année des 18 ans d’Élianne, la vie est belle. On peut dire d'Élianne qu’elle est privilégiée. Pas du privilège des bien nantis, des gens haut placés, non, celui qu’on tient pour acquis jusqu’à ce qu’on le perde : le privilège tout naturel d’un être jeune, en santé, doté d’une famille aimante et qui sait que  tout effort mènera au succès. L'effort dans les études mènera à un bon emploi, l'effort dans les sports mènera à une place de choix parmi l’élite sportive... Bref, un talent inné, une situation économique confortable et le soutien de son entourage font d’Élianne un être à qui la vie sourit. Elle étudie en bio-écologie et se dirige en biologie marine. Elle est athlète en vélo de montagne, a un amoureux et part pour le Mali visiter son frère et sa famille... Élianne est heureuse. Jusqu’à la journée fatidique où sa vie bascule.

Les textes de cette chronique proviennent d'extraits de courriels envoyés à la famille par Jocelyne, sa maman. L’histoire d’Élianne m’a bouleversée et je voulais vous donner la chance de la lire. Pour vous faire connaître Élianne, nous débutons par son voyage au Mali avec Jocelyne.

Voyage au Mali

2 janvier 2007

Élianne et moi partons lundi pour le Mali rejoindre Yves et Charlotte qui sont installés là pour un an avec les enfants : Samuel qui a 6 ans et Fabiola, la filleule d’Élianne, 18 mois. Nous nous installerons chez eux à Bamako pour 3 semaines et, à partir de là, nous rayonnerons tout autour. Nous avons bien hâte de visiter ce pays. En plus, nous aurons la chance de visiter le pays Dogon avec Issa, un guide local et le gardien de la maison, lui-même Dogon.

 

7 janvier

 

Le plancher de ma chambre est plein de choses à mettre dans les valises demain matin, j'espère que tout va entrer là-dedans. J'ai fait de gros efforts de « rationnalisation »! La section « premiers soins » déborde. Nous sommes parées à toute éventualité ou presque.

 

10 janvier

 

J’essaie de vous écrire pendant qu’un vilain moustique infecté de malaria me tourne autour. Il a vite repéré la chair fraîche! Après un périple de 30 heures porte à porte... (NOTE : JE VIENS DE TUER LE FAMEUX MOUSTIQUE), nous sommes bien arrivées.

 

Élianne a vécu sa première journée en Afrique en allant au petit marché avec Charlotte.

 

11 janvier

 

Je vous écris pendant qu'Élianne et Charlotte sont allées prendre le thé avec le gardien sur le trottoir. Élianne avait une grande envie de JASER avec du monde de la place.

 

Ce matin, nous sommes parties les 3 filles ensemble, et nous sommes allées au grand marché de Bamako acheter du tissu pour les boubous, Charlotte a dealé pour moi. Comme nous sommes allées tôt le matin, c'était pas pire et pas encore trop chaud.

 

J'ai eu mes 2 premières piqûres de moustiques ce soir. C'est pas pire. Vive la vitamine B1! Ça semble fonctionner. Élianne va se faire masser demain et nous irons peut-être au musée de Bamako. J’apprends chaque jour de nouveaux mots de bambara. Alors je vous dis : kambé (au revoir) et i ka kéné (comment allez-vous?). Ça veut dire : « Donnez-moi des nouvelles ».

12 janvier

 

Voici, nous avons été baptisées de nos noms maliens :

 

Élianne : Kadija Sy (Kadija voudrait dire née plus tôt que prévu, ce qui lui convient.)

Jocelyne : Fatoumata Sidabé

 

Élianne a reçu son nom d’un groupe de femmes de la rue ici, et moi, mon prénom m’a été donné par Mohamed de la boutique de chemises, et mon nom par Salif, le chauffeur de Yves.

 

Nous avons acheté nos billets pour Sévaré. Nous partirons lundi et de là, nous irons à Bandiagara en pays Dogon.

14 janvier

Au Mali, la devise doit être « y a pas de problème », car c'est ce que les gens répondent toujours! Ils sont souriants et aimables.

 

Nous perfectionnons notre bambara, quelques nouveaux mots se sont ajoutés à notre répertoire. Ce qui est difficile, ce sont les chiffres, car ils en ont peu et utilisent des multiples. Les fractions n'existent pas en bambara, nous ne pouvons demander un demi-kilo, la notion de fraction leur étant totalement inconnue. Il faut demander 500 g.

 

Hier, je suis allée au marché de légumes avec Charlotte . En fait, nous avons acheté seulement des légumes au marché car personne n'aurait voulu acheter la viande ou le poisson qui s'y trouvait (inutile de vous décrire avec précision l'odeur). Après, nous avons apporté nos tissus chez le tailleur pour la confection des boubous. C'est sûr que les 3 gars étaient bien contents de prendre les mesures d'Élianne!

 

Nous partons demain matin à 7 h, en bus, pour Bandiagara, en pays Dogon. Nous arriverons à Sévaré à 16 h 30, puis nous prendrons un autre bus jusqu'à Bandiagara.

 

Alors : nébéfé, kanata, kaneto (signifiant je t'aime, ne pars pas sans moi), tiré d'une chanson d'Amadou et Maryam.

20 janvier

 

J'en ai pas mal long à vous raconter. Tout d'abord, nous sommes parties comme prévu lundi en bus local pour Sévaré, puis nous avons changé de bus pour Bandiagara en pays Dogon. Le voyage s'est bien passé, mais sans notre guide, nous aurions été beaucoup plus « achalées » par les vendeurs et autres types de cet acabit.

 

En parlant de vente, j'aurais pu moi-même réaliser une opération fort lucrative en vendant... MA FILLE! J'ai eu deux offres dont la dernière plutôt sérieuse : 20 chameaux et de l'or. Dire que j'aurais pu finir de payer mon hypothèque!

 

Mardi après-midi, nous sommes parties visiter deux villages Dogon, le premier étant un village de la plaine. Nous devions payer une cote au chef et prendre un guide du village. Nous étions suivies par une nuée d'enfants, surtout Élianne qui en avait 5 à chaque main...  fascinés par ses piercings. Par la suite, nous nous sommes rendues plus loin, dans un autre village où nous avons mangé un bon couscous de légumes, puis nous sommes montées dans la falaise voir les maisons « jouquées » tout en haut. J'ai rassuré notre guide qui s'inquiétait pour Élianne. Il avait peur qu'elle tombe, mais je lui ai dit qu'elle était comme une chèvre et grimpait depuis son enfance.

 

Le soir, nous avons mangé au resto du bel hôtel (le Kambary), même si nous avons dû changer d'hôtel, faute de place. Il y avait un groupe de musique local et Élianne et Charlotte ont dansé avec les filles de la place (serveuses et autres employées).

 

Mercredi matin, départ pour Tabitongo, situé dans la plaine, par un petit chemin très peu praticable. En fait, nous roulions sur le rocher et je crois que Cheik, notre chauffeur engagé depuis la veille, était un peu découragé des conséquences pour sa TRÈS vieille Toyota. Nous avons fait 5 km sur cette route, puis Élianne est descendue faire un petit jogging devant la voiture, histoire de se dégourdir. Nous ne pouvions pas la suivre! Cheik et Issa étaient inquiets qu'elle se fatigue... et assez impressionnés de la voir aller!

 

Bien sûr, nous avons été reçues comme des reines. On a déployé les nattes par terre pour que nous puissions nous asseoir à l'ombre de la maison. Nous avons fait le tour du village avec Issa et d'autres, plus la nuée d'enfants fascinés par les toubabs. Au début, ils avaient peur (ce n'est pas une place touristique et ils n'ont pas l'habitude de voir des blancs), mais ils se sont dégênés à la vue des bonbons de Charlotte.

 

Nous avons visité les champs d'oignons, spécialité de la région. Élianne s'est même mise  pieds nus pour « piler » les oignons avec eux! La femme d'Issa a cuisiné pour nous : du riz aux tomates, du poisson avec des aubergines et des piments. C'était très bon et servi à l'africaine dans un grand plat commun. Il y avait cependant des cuillères pour les toubabs. Nous avons rencontré le plus vieil homme du village. C'était assez fascinant d'assister aux salutations d'usage quand les gens se rencontrent : en gros c'est « comment allez-vous? comment va la famille? », etc.  et les réponses appropriées, un peu comme une récitation.

 

Nous avons quitté Issa, sa famille et son village avec plein de belles images dans la tête et... un petit quelque chose dans notre système digestif!

Nous avons été pas mal malades, toute la nuit et la journée du lendemain. Nous avons dû changer nos plans et renoncer à aller à Mopti. Nous n'étions pas en état et cela impliquait de voyager dans des transports sans toilettes, chose essentielle à ce moment-là pour notre survie! Nous avons fait capoter la fille de l'hôtel avec nos demandes de papier-cul. Charlotte a dû leur expliquer qu'elle avait deux malades sur les bras. Tout Bandiagra a fini par savoir que nous étions malades, car une bande de jeunes hommes bien intéressés par Élianne espéraient l'amener à sortir au spectacle le soir, et ils ont été bien déçus qu'elle en soit incapable. (Inutile de vous dire que Charlotte devait l'accompagner afin de réfréner les ardeurs de ces messieurs.) Jeudi soir, je me suis résignée à donner des Immodium à Élianne, afin qu'elle puisse supporter le trajet du lendemain.

 

Nous avons passé la semaine à nous promener autour et à visiter le musée de Bamako. Nous avons aussi vu Ségou sur le chemin du retour de Bandiagara. Nous irons sûrement au marché acheter des souvenirs et nous reposer. Ce matin, nous devons aller chercher nos boubous. J'ai hâte de voir çà.

 

Mon bambara s'améliore. Nous connaissons maintenant une vingtaine de mots et un peu de dogon aussi : agayamo (bonjour) dolopo (merci) et dagao (c'est très bon).

 

ALLAH KAN NOKOYA (que Dieu vous donne la santé)!

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